Poétesse
Le volcan endormi gronde et murmure, révolte outrancière des sens en éveil, à l’entente de tes pas sur cette plage où algues échouées et sable respirent d’un souffle commun et nouveau. Nocturne et seule, ta marche cadencée et régulière te porte vers l’ailleurs, cette destination éternelle que je nomme élégance. Le temps tourne sans relâche et sur le cadran d’hiver ponctué d’aurores, les aiguilles indiquent minuit, l’heure des poètes et des fées, vêtues de toute leur féminité resplendissante, les créatures de chair dérobent au littéraire sa sève précieuse et se moquent de l’horloge. Le mouvementé balancier s’agite comme s’il était ivre, comme un navire sans direction au bord du précipice, il s’avance, brusque mais annoncé. C’est dans ton âme et tes mains, ô poétesse ou écrivaine, que tu pétris cette pâte de mots dansants et que tes pas légers suivent l’inspiration dans un labyrinthe abstrait. Les maux ressurgissent aux lendemains d’une sentence temporelle à laquelle on ne peut se soustraire sinon en savourant le breuvage des jours, passagers parfois clandestins. Oui, nous sommes éphémères avec une écorce d’intériorité et un cœur chaud qui bat, sentimental.
Le vieux phare
Gardien antique d’une mer en suspens, ami d’oiseaux éternels. L’humanité a perçu ton signal lumineux dans le lointain, symbole de pierre poli par les eaux à travers le tumulte temporel. Guide du poète assoiffé de vers comme du marin perdu dans les brumes et les tempêtes de l’existence. Voyageur immobile s’invitant pourtant au périple, une vie après l’autre.
Destinées
Leur passé et présent font foi et témoignent. Elles sont spéciales de par leurs
trajectoires de vie, de par leur personnalité et signent leurs existences avec
des instants qui se succèdent, calligraphies d’encres vivantes sur papiers éphémères.
Calendrier et horloge affichent l’avancée imperturbable du temps nouveau. Robe
de feuilles automnales, mailles de flocons de neige, voilà les reliques du
présent qui s’efface peu à peu. Quelque chose demande pourtant à surgir de
l’instant, peut-être plus encore maintenant à un âge plus avancé. Pour d’autres
qui ne sont plus, une ancre demeure au fond des temps, comme un symbole de leur
vie passée.
Muse libre
Ciels mouvants et azurs infinis perdus dans tes
yeux. Danses de brumes et d’aurores perlées sur des horizons en aquarelle, le pinceau
coloré du temps en devenir en guise de stylo, tu signes ta poésie et la clos
par un souffle ou un baiser. Sculpture éphémère mais intemporelle, délicate, tu
t’es faite muse et œuvre, autrice de ton épopée, sentimentale. L’artiste
te contemple mais ne te possède, complicité comme pont et muraille à la fois.
Comme la fleur de l’aurore ou le chant d’éternité d’un printemps en révolte, l’inspiration surgit et m’entraîne. Telle une source qui jaillit de la roche, l’idée se faufile à travers les parois abruptes d’une routine ou d’une monotonie que rien ne semble perturber. Poésie et notes de présent distillées sous la lumière nocturne le plus souvent m’affranchissent.
Nostalgie
Dans l’amas de pierres et de gravats, dans l’éclat des joyaux même, l’éphémère demeure et s’en va. Je ne retrouve pas ce qui a été, comme le témoin fugace d’une autre époque. Pourtant je taille des mots dans le bloc de temporalité, je les polis et égrène la poussière du temps entre mes doigts comme pour mieux toucher les secondes. Signature bleue à l’encre de nuit.
© George-Dan TOADER (2024)